vendredi 7 novembre 2014

Etude sur le Deuil Périnatal

Importance de la rencontre entre la mère et son bébé mort-né

J'ai traduit pour vous aujourd'hui un extrait d'une étude publiée en juin 2014 par  des chercheurs suisses et britanniques.

Les auteurs ont constaté que "le deuil périnatal, défini au Royaume Uni comme consécutif à la mort in utero après 24 semaines d'âge gestationnel est une expérience dévastatrice pour les femmes, leur partenaire et l'entourage. En plus du chagrin ressenti par la femme et son partenaire suite à la découverte de la mort du bébé in utero ou pendant le travail, le deuil périnatal place en face de sentiments d'inutilité, d'isolement et de culpabilité. Des symptômes psychiatriques sont aussi communs, incluant la dépression, anxiété, un stress post traumatique et un deuil pathologique. Les parents reportent également, à long-terme, des effets négatifs sur leur capacité à gérer leur emploi et leur vie de famille".



Or, les études étaient controversées au Royaume Uni. Après des années à minimiser l'impact de la mort du bébé sur leur vie, la douleur des parents a été prise en compte et on les a encouragés à voir leur bébé, organiser des funérailles et garder des souvenirs. Pour certains, cela aidait les parents à aller lieux. Pour d'autre, au contraire, c'était contre productif.

L'étude se penche donc sur la question de la rencontre entre la mère et son enfant mort-né, sur l'accompagnement par le personnel soignant de ce moment et sur ses influences sur la santé des mères afin de faire le point. 
 

 Conclusions et résumé de l'étude.

La majorité des mères de l’étude ont décrit l’expérience de la rencontre avec leur enfant mort-né comme quelque chose de positif et d’important et ont senti qu’elles avaient pris la bonne décision en le voyant.  
Malgré tout, quelques données relevées demandent l’attention des personnels de santé travaillant avec ces populations, telles que la peur des mères à l’idée de voir un corps mort ou le corps abîmé de leur bébé. 
Pour quelques mères, des sentiments intenses d’impuissance, de tristesse ou de peine ont été exacerbés par le fait de voir leur bébé, et quelques unes ont rapporté un sentiment de dissociation pendant la rencontre. 
 Dans ces cas, la préparation avant la rencontre avec le bébé, le support de professionnels pendant ce contact et le suivi professionnel dans les semaines qui suivent sont primordiaux pour éviter le développement de problèmes de santé mentale.
Néanmoins, même dans les cas où les mères ont ressenti un stress intense pendant la rencontre avec leur bébé, elles continuent de dire combien cette rencontre était importante et combien, a posteriori, elles ont senti avoir pris la bonne décision. 

Ces découvertes montrent un besoin, pour les parents, de faire un choix éclairé par un dialogue avec les professionnels, concernant les bénéfices et les risques encourus en voyant leur bébé mort-né. Cette attitude souple devrait être préférée à un suivi rigide de protocoles et calendriers du deuil périnatal.

(…)
 6 thèmes principaux et 15 secondaires ont été développés. Ces thèmes vont être examinés un par un, en utilisant des citations des mères pour les illustrer. (…)


Caractéristiques de l’échantillon :

21 Mères, d’un âge moyen de 34,4 ans, ont été interviewées dans le cadre d’une étude plus large sur 65 mères, au sujet de la santé mentale des mères après la mise au monde d’un bébé mort né.
Dans l’échantillon qui nous concerne, les bébés sont nés en moyenne à 35,17 semaines de grossesse.
Toutes les femmes avaient vu leur bébé mort-né et 19 (soit 90,5%) avaient tenu leur bébé dans leurs bras.
Le nombre total de grossesses, y compris celle ayant mené à la naissance d’un enfant mort-né, était en moyenne chez ces femmes de 2.
Avant cette naissance, 3 (14%) des femmes interrogées avaient fait une fausse couche, 4 (19%) une Interruption Volontaire de Grossesse et une femme (4,8%) avait déjà subi un deuil périnatal. 


Thème principal n°1 : caractéristiques de la rencontre avec le bébé mort-né.

Bien qu’elles reconnaissent combien la naissance d’un enfant mort-né est une expérience dévastatrice pour les mères, leur partenaire et l’entourage, les participantes de l’étude décrivent l’expérience du temps passé avec leur bébé comme faisant partie d'un processus. Les participantes ont identifié deux critères principaux pour caractériser le contact qu’elles ont eu avec leur bébé : le temps passé avec le bébé et le partage de cette expérience avec d’autres.

Un certain nombre de mères ont mis l’accent sur l’importance qu’a eu pour elles le temps passé avec leur bébé :

«  C’était assez agréable d’avoir du temps avec elle, maintenant que j’y repense. Même y penser, à l’époque… Oui, c’était si terrible, ça m’a brisé le cœur, mais je suis heureuse que nous l’ayons fait et que nous ayons passé du temps avec elle. » (Olivia)
Même si ça a été très difficile à l’époque, passer du temps avec leur bébé a été une expérience cathartique et la majorité des mères ont apprécié cet temps passé ensemble. Beaucoup de participantes ont aussi parlé du fait de pouvoir partager leur expérience avec leur partenaire et aussi avec leurs parents et les membres de leur famille élargie.

« c’est important que tous les autres aient pu le voir, parce qu’ils me sont si proches et ils étaient si proches de moi aussi, tout au long de la grossesse. Ça leur tient à cœur aussi. Oui. Oui, je voulais qu’ils voient combien il était réel. Je voulais être sûre que tous ceux qui voulaient le tenir dans leurs bras aient peu le faire ».

Impliquer leurs proches après la naissance de leur bébé mort né a été une part importante du processus vécu par les mères.

Thème principal n° 2 : Physique et réalité du corps du bébé décédé

Le thème lié au physique est un thème clé, qui a émergé des entretiens.

Toutes les participantes ont exprimé des craintes au sujet de l’apparence physique de leur bébé mort-né avant d’avoir vu leur enfant.

Un certain nombre ont dit avoir été soulagées lorsqu’elles ont vu que le bébé avait l’air normal et ressemblait aux autres membres de la famille. Cependant, pour quelques mères, l’apparence de leur bébé a été assez perturbante.
Plusieurs participantes ont décrit leur peur et leurs appréhensions à l’idée de voir un corps mort. Elles ont exprimé des inquiétudes sur ce à quoi ressemblerait le bébé, ainsi que la manière dont elles réagiraient en présence d’un enfant mort.

«  Je ne sais pas ce que j’attendais en la touchant, j’étais si inquiète à l’idée de toucher un corps mort, et ensuite c’était dur de toucher la peau froide, elle était assez cireuse. » (Olivia)

En conséquence, un grand nombre de participantes se sont senties soulagées quand elles ont réalisé que leur bébé était bien formé.


«  Juste, voir qu’il était si parfait, vous savez, j’ai tout regardé, sa peau était merveilleuse, il avait 10 doigts et 10 orteils. » (Julia)

Plusieurs participantes ont dit avoir repéré des traits de famille dans les traits de leur bébé mort-né.

« Ses pieds, ils étaient comme ceux de son Papa, elle avait de gros orteils (rires), c’est juste qu’elle était si parfaitement formée, avec tous ces petits plis sur ses mains et ses pieds, et les ongles et ses cheveux qui commençaient à pousser et des trucs comme ça. » (Katherine)

Cependant, quelques participantes ont parlé des dommages et des détériorations subies par le corps de leur bébé et des implications négatives que cela a eu pour elles.


« Malheureusement, comme elle est restée à l’intérieur de moi pendant quelques temps, et que l’accouchement a été assez horrible, avec les forceps à la fin, c’était dur de réussir à la sortir, plein de peau était partie donc sur tout son côté il n’y avait pas de peau, et une partie de ses bras et de son visage … et (nom du partenaire) a trouvé ça dur. Du coup, quand je lui ai donné son bain, c’était du genre « je ne sais pas comment tu peux faire ça, je ne sais pas comment tu peux faire ça ». (Chloe)

Tandis que la plupart des mères ont trouvé le fait de voir leur bébé était une expérience positive, apaisant leurs peurs de voir un corps mort et ont ressenti de la joie à pouvoir comparer le bébé aux autres membres de la famille. Quelques mères dont le bébé avait eu son corps abîmé ont eu du mal à voir ou tenir dans leur bras leur bébé.

Thème n°3 : vécu émotionnel lié à la rencontre des femmes avec leur bébé mort-né.

Toutes les participantes ont longuement parlé de l’impact émotionnel de faire face à la naissance d’un enfant mort-né, en mêlant des sentiments de fierté maternelle d’avoir eu un enfant, la peine qu’elles ressentaient de l’avoir perdu et le processus de deuil positif qui s’ensuivait, pour certaines mères.
Tandis qu’elles vivaient une tristesse intense et la perte consécutive à un deuil périnatal, un grand nombre de mères ont décrit combien l’expérience de voir leur bébé avait été positive et combien elles gardaient un souvenir attendri du temps passé avec leur bébé.

« c’était (rassurant), et ce n’était pas du tout ce à quoi je m’attendais, et c’était bien… Agréable, d’une certaine manière, parce que nous n’avons pas d’autres souvenirs, à part de moi enceinte, la sentant bouger en moi, nous n’avons rien d’autre du tout parce qu’elle n’a pas respiré, elle n’a pas eu de vie, donc avoir ces souvenirs, c’est vraiment plutôt agréable ». (Olivia)

Quelques mères ont aussi parlé de leur fierté de devenir mères et du fait que tenir leur bébé dans leurs bras pour la première fois avait été un grand changement, positif, sur la manière dont elles vivaient cette naissance de leur bébé mort-né.

« j’étais désespérée,  j’avais le cœur brisé et… j’étais en colère, et ensuite, je l’ai tenu dans mes bras et c’est un peu comme si tout s’était envolé, j’ai commencé à me sentir heureuse. J’ai quand même réussi à avoir un enfant, c’est quand même plus que beaucoup de gens." (Rebecca)

Quand elles regardent en arrière et décrivent cette expérience du temps passé avec leur bébé, les mots « désespoir », « cœur brisé », « colère », « douleur » et « impuissance » sont les principaux, en relation avec le chagrin, utilisés par les participantes. Une mère rapporte :

«  C’est quelque chose que je n’oublierai jamais, aussi longtemps que je vive. Elle me manque tous les jours. C’est quelqu’un que je voulais tellement fort voir dans ma vie. » Hannah.

Faire face à un bébé mort-né a été une expérience très émouvante pour les mères. Toutes les mères ont parlé d’une douleur intense et du chagrin ressenti lorsqu’elles ont perdu leur enfant, mais, pour certaines, cela s’est mélangé avec une grande fierté maternelle, et le temps passé avec leur bébé mort-né a été ressenti de manière positive.

Thème principal n°4 : la rencontre avec leur enfant mort, une expérience parfois surréaliste.


 En plus de trouver l’expérience de voir leur bébé mort-né très émouvant, certaines participantes décrivent également cette expérience comme étant surréaliste. Plusieurs mères décrivent des sentiments d’incrédulité.

« je ne voulais pas le prendre, et je pense que cela permettait de maintenir l’illusion qu’il était vivant dans son berceau et que si je le prenais, ça deviendrait évident qu’il n’était pas vivant, et en le regardant dans son berceau, c’est comme s’il était endormi. » (Claire)

D’autres participantes ont rapporté des sentiments de dissociation et décrit l’expérience comme étant « floue, comme si c’était un rêve » (Victoria) et dit voir leur bébé « ressemblant à une poupée… pas à un bébé. Pas mon bébé, mais celui de quelqu’un d’autre. » (Sarah).
De la même manière, certaines ont parlé de se sentir déconnecté de ce qu’elles avaient vécu :

" J’imagine que tout ça, c’est un peu comme si c’était arrivé à quelqu’un d’autre. Et on se sent un peu comme si c’était une expérience hors du corps. Et j’imagine que, dès le début, j’ai eu l’impression que ce choc arrivait à quelqu’un d’autre. Je n’ai même pas été enceinte. " (Sophie)

Quelques mères ayant vécu la naissance d’un bébé mort-né ont ressenti de forts sentiments de déconnexion du monde autour d’elles.


Thème principal n°5 : Prise de conscience de l'irrévocabilité


Un autre point clef qui a émergé de échanges était le concept d’irrévocabilité. Les participantes ont parlé de se sentir désolées et d’avoir besoin de dire au revoir à leur enfant, tout autant  que de la réalisation et de l’acceptation que leur enfant était mort.

Une participante a expliqué :
«  J’avais besoin de lui dire au revoir et j’avais besoin de lui dire pardon » (Olivia)

Ces sentiments ont été repris par un certain nombre de mères quand elles repensaient au temps passé avec leur bébé :
«  je lui ai dit au revoir, que c’était mon bébé, qu’il soit mort ou vivant. Que tout le monde allait le voir. Le toucher. » (Victoria)

Les participantes ont aussi rapporté que voir leur bébé après qu’il est né mort-né « aide à tenir le coup face à ce qui est arrivé » (Rebecca) et aussi à accepter que le bébé est mort :

« Cela m’a aidée à réaliser qu’elle est morte. Je pense que si nous ne l’avions pas vue, euh, c’était vraiment très, très réel d’avoir un corps mort avec soi et, moui, elle est morte, vous savez, qu’est-ce qu’elle pourrait être d’autre, elle est là, et si je ne l’avais pas vue, je penserais « bon, les docteurs me disent-ils la vérité ? est-elle morte, est-ce que quelqu’un l’a kidnappée et l’élève ailleurs. Vous savez, c’était bien comme ça. Mmmmh, moui, j’avais oublié tout ça, en fait, je pensais à l’époque que c’était assez important de la voir. »  (Olivia)

Avoir l’opportunité de dire au revoir et de voir leur bébé a apporté une sensation d’irrévocabilité qui, pour beaucoup de mères, a contribué au processus de cicatrisation. C’est quelque chose dont elles ont ressenti qu’elles en avaient besoin pour avancer.

Thème principal n°6 : rapport des mères avec leur décision de voir le bébé


Lorsque les mères regardent en arrière et se posent la question de savoir comment elles se sentent avec leur décision de passer du temps avec leur bébé mort-né, soit elles étaient satisfaites avec cette décision qu’elles avaient prise de voir leur enfant, soit elles avaient de grands regrets au sujet de cette décision prise à l’époque, liés au fait de ne pas l’avoir pris dans leurs bras.

La plupart des mères ont dit être satisfaites du temps passé avec leur enfant mort-né et de leur décision de le voir.

« Je n’aurais rien fait de différent, oui, je l’aurais vue, c’est sûr. Et j’ai du mal à croire que je ne voulais pas, ç’aurait été vraiment dur de ne pas l’avoir vue. Ça a aidé, c’est sûr. Je pense que je me serais sentie moins bien maintenant si je ne l’avais pas vue, on ne peut pas enlever ça, on ne peut pas revenir en arrière et changer ça, donc je pense vraiment que c’était la chose juste à faire et j’imagine que je suis reconnaissante d’avoir pu le faire, je veux dire, ce n’était pas, ce n’était pas proposé de manière agressive, mais c’était conseillé » (Sophie)

Cependant, quelques mères ont exprimé des regrets au sujet de leur décision de ne pas tenir leur bébé mort-ne dans les bras :


« Vraiment, je regrette de ne pas l’avoir pris dans mes bras, et je pense que je regrette purement parce que je ne l’ai jamais pris. Maintenant, vous savez, je regrette beaucoup de ne pas l’avoir pris dans mes bras. Je pense que j’aurais du être plus courageuse, mais c’est très facile à dire avec le recul. Parce que à l’époque, je ne pouvais pas le faire. Et peut-être que j’ai eu raison à l’époque, parce que si je l’avais pris dans mes bras, j’aurais senti physiquement la sensation de ne pas avoir mon bébé dans les bras. Donc peut-être que c’était un genre d’auto préservation , de mécanisme de défense. »  (Claire)

Une mère a aussi parlé de sa tristesse car son partenaire a choisi de ne pas voir leur bébé mort-né et elle ressent le manque de cette expérience partagée par une même famille.

«  Mon partenaire –il n’a eu aucun contact avec lui, il ne voulait pas le prendre…, je me sens triste qu’il ne l’ait pas fait, c’est tout. Il a dit qu’il préférait se souvenir de lui tel qu’il l’imaginait plutôt que comme il était vraiment. Je ne voulais pas lui mettre la pression pour faire un truc qu’il ne voulait pas faire mais maintenant, en y rependant, j’aimerais qu’il y ait une photo de nous ensemble, ou quelque chose. » (Kate)

Pour a plupart des mères, la décision de voir leur bébé mort-né a été primordiale dans leur capacité à accepter ce qui s’était passé et à dire au revoir, et ensuite pouvoir avancer.

Interprétation des données collectées : comment les mères vivent-elles la rencontre avec leur bébé mort-né?


Cette étude a exploré dans le détail l’expérience des mères lorsqu’elles passent du temps avec leur bébé mort-né, afin d’améliorer la compréhension de l’impact psychologique et émotionnel qui découle du fait d’avoir pu voir et tenir dans leurs bras le bébé mort-né.
Les mères ont parlé de l’importance d’avoir pu avoir du temps avec leur bébé et d’avoir pu partager cette expérience avec leur entourage.
Un certain nombre de femmes ont exprimé des craintes à l’idée de voir un corps mort ou quant à l’apparence physique du bébé mort-né. La plupart des parents ont été soulagés de voir que leur bébé était bien formé, mais pour quelques mères, les altérations et les détériorations du corps de leur bébé ont eu un impact négatif significatif.
Les mères ont beaucoup parlé de l’impact émotionnel lié au fait de donner naissance à un bébé mort-né. Elles se débattent entre fierté maternelle et douleur.
Pour quelques femmes, la naissance de ce bébé mort-né à aboutit à de forts sentiments d’incrédulité et de dissociation avec le monde qui les entoure.
Pouvoir dire au revoir et voir leur bébé a aidé beaucoup de mères à réaliser et accepter le fait que leur bébé était mort.
Même si la majorité des mères se sont senties satisfaites de leur décision de voir leur bébé mort-né après la naissance, quelques mères ont rapporté leur profond sentiment de regret de ne pas avoir porté dans leurs bras leur bébé mort-né.


Avoir un contact avec leur bébé mort-né a permis aux mères d’avoir du temps pour comprendre ce qui c’était passé et de se construire des souvenirs, souvent en partageant cette expérience avec leur partenaire et d’autres membres de la famille.
Une étude récente a mis l’accent sur l’importance d’avoir des souvenirs avec le bébé mort pour s’adapter psychologiquement à sa mort. Les mères ont exprimé leurs sentiments de fierté. Identifier des traits de famille leur a permis de transformer leurs sentiments de désespoir et de chagrin immense en joie et fierté pour le bébé qu’elles ont fait. C’est un fait nouveau, qui n’avait pas encore été reporté.
Voir le bébé aide également à réaliser la réalité de sa mort et aide également les mères à accepter cette mort. De plus, cela a donné aux mères l’opportunité de dire au revoir à leur bébé.


La majorité des mères ont été heureuses de leur décision de passer du temps avec leur bébé mort-né. Cependant, quelques mères avaient de profonds regrets au sujet de quelques aspects de leur contact avec leur bébé, souhaitant qu’elles l’aient tenu dans leurs bras ou que leur partenaire ait passé du temps avec eux. Les quelques mères qui avaient choisi de ne pas tenir leur bébé ont décrit combien elles regrettaient cette décision 3 mois plus tard.

Ce fait corrobore une étude récente et contraste avec la recommandation en cours que « les soignants doivent éviter de persuader les parents d’avoir des contacts avec leur bébé mort-né tout en soutenant activement ce désir quand il est exprimé ». Il se peut, en fait, qu’il vaille mieux que le personnel insiste pour convaincre les parents de voir et tenir dans leurs bras leur bébé mort-né. 

En cohérence avec toutes les études précédentes, la plupart des mères suivies au cours de l’étude ont trouvé que passer du temps avec leur bébé mort-né les avait aidées.

Les présents résultats soulignent des faits particulièrement importants pour les personnels de santé travaillant avec des mères ayant perdu leur bébé à la naissance.


Plusieurs mères ont parlé de la peur qu’elles ressentaient quant à l’apparence de leur bébé, ainsi que de leur peur à l’idée de voir un corps mort en général. Il est possible que ces craintes puissent les retenir de voir leur bébé. De ce fait, ces peurs devraient être explorées avec douceur et sensibilité et on devrait aider les parents à trouver des moyens de faire face.
Même si la plupart des mères se sentent soulagées quand elles voient que leur bébé était bien formé, pour quelques unes, ça a été déstabilisant de voir les dommages et les détériorations subis par le corps de leur bébé mort-né.
Il peut donc être important que les professionnels de santé préparent avec tact les mères et les pères lorsque le corps de leur bébé mort-né est abîmé. C’est un fait qui n’était pas ressorti dans les recherches précédentes.
Un certain nombre de mères ont parlé de sentiments d’impuissance, de tristesse intense et de douleur qui s’exacerbaient à la vision de leur bébé mort-né. Dans ces cas là en particulier, le support des professionnels et la possibilité d’exprimer ces émotions sont essentiels.

Pour quelques mères, le fait de voir leur bébé a été associé avec des sentiments d’incrédulité et, dans certains cas, de dissociation, avec des mères incapable de faire face avec ce qui c’est produit. Le rôle de la dissociation pendant que les parents voient leur bébé mort-né n’avait pas été mis en valeur dans les études précédentes. Il requiert des recherches plus poussées.
Il est possible que la manière dont le contact avec le bébé a été, ou pas, facilité (par exemple la manière dont les parents ont été préparés par le personnel, la quantité de temps passé avec le bébé, la manière dont le bébé est présenté par le personnel etc…) puisse influer sur les risques de dissociation. Les mères et les pères qui ont expérimenté des sentiments de dissociation pendant qu’ils voyaient leur bébé mort-né pourraient être plus vulnérables au développement ultérieur de syndromes de stress post-traumatiques ou de deuil pathologique. Il est donc important que ces couples soient suivis et que l’on recherche chez eux des symptômes de stress post-traumatique pendant environ un mois après la naissance.

Il est primordial d’investir les parents dans toutes les décisions qui touchent au contact avec leur bébé mort-né. 


Donner aux parents des choix, en discutant avec eux des possibles bénéfices que pourrait avoir pour eux le fait de voir leur bébé mais aussi des risques que cela comporte (en particulier lorsque le corps du bébé est abîmé.), est primordial.
Il n’est donc pas possible de tirer des conclusions de l’étude des mères qui n’avaient pas choisi de voir leur bébé mort-né. Ce qui a aidé certaines mères vivant un deuil périnatal au cours de cette étude n’en a pas toujours aidé d’autres.
C’est un point de vue relayé par Reynolds, qui a mis l’accent sur le fait que « chacun fait son deuil différemment, à sa manière et à son rythme… Nous ne pouvons pas offrir un mode d’emploi unique de l’intervention psychologique, qui irait à toute personne vivant un deuil périnatal » (p 87). Néanmoins, nos données semblent suggérer qu’il faudrait que les soignants encouragent fortement les parents à voir leur bébé.
De plus, des recherches récentes suggèrent que les « mères se sentent plus naturelles, meilleures et moins effrayées et mal à l’aise quand elles voient et tiennent leur bébé dans leurs bras si le personnel soignant offre avec assurance le bébé plutôt que de demander aux parents s’ils veulent le voir » (p248).

Les interprétation des résultats sont limitées par le fait que toutes les femmes de l’échantillon avaient choisi de faire et, pour la plupart, de tenir dans leurs bras leur bébé. Il n’est donc pas possible de tirer des conclusions sur l’expérience de femmes qui n’ont pas tenu leur bébé dans leurs bras. La majeure partie des femmes de l’étude étaient mariées et quelques unes avaient un revenu du foyer inférieur à 40 000€. De ce fait, le transfert de nos découvertes à des familles aux bas revenus ou à des couples non mariés pourrait être limité. De plus, les mères ont raconté a posteriori leur rencontre avec leur bébé mort-né, 3 mois après qu’elle ait eu lieu, donc il est possible que certains souvenirs aient été altérés ou déformés après le temps.
L’un des points forts de l’étude est que toutes les participantes ont répondu favorablement aux entretiens qui ont été menés à leur domicile. Conduire les entretiens chez les femmes a permis qu’elles soient plus relaxées dans leur environnement et donc plus enclines à parler librement. De plus, tous les auteurs étaient investis dans un processus interprétatif, augmentant ainsi l’authenticité du rapport généré.

Etude initialement parue in "Mothers’ experience of their contact with their stillborn infant: An interpretative phenomenological analysis", by Kirsty Ryninks1, Cara Roberts-Collins2, Kirstie McKenzie-McHarg3 and Antje Horsch45*

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